Magnifique Tana Toraja
Récit
De Makassar à Rantepao
Nous arrivons à Rantepao (chef-lieu de la région) après 9h30 de bus (contre 7h annoncées) au départ de Makassar. Et pas n’importe quel bus. Nous faisons le trajet à bord d’un « super executive bus » ! En général je me méfie de ce genre d’appellation. Je me rappelle avoir pris un VIP bus au Laos… Disons que le luxe est une notion toute relative.
Mais cette fois-ci, pas de publicité mensongère. En tout cas pas à l’aller. Le bus de la compagnie Litha est équipé de sièges comme en classe affaires d’un avion, qui permettent d’allonger les jambes (des jambes d’Indonésien bien sûr, mais quand même !). Ajoutez à ça qu’ils sont tout neufs, inclinables (et ils s’inclinent réellement), ont un moteur en bon état, et une bonne reprise. Le luxe ultime, le must de nos déplacements à Sulawesi.
On s’installe au Pia’s Poppies Hotel, où l’on fait la connaissance d’un petit groupe d’étudiants allemands. Sandra, Lars, Irmela et Nancy passent l’année à l’université de Bali, et sont à Sulawesi pour les vacances liées au Ramadan. Nous passerons pas mal de temps avec eux, notamment en soirée. Jean-Pierre, un voyageur belge au long court, fait également partie de la bande.
A la découverte des villages animistes : Buntu Pune et Kete Kesu
Depuis Rantepao, on rayonne facilement dans les villages alentours perchés à flanc de colline, au milieu des rizières ou en fond de vallée. D’un coup de bemo, nous nous aventurons le premier jour au sud-est de la ville.
A Buntu Pune, nous découvrons l’architecture Toraja : les maisons traditionnelles (appelées Tongkonan) ont un impressionnant toit en forme de proue de bateau qui s’avance bien au-delà de la façade. Pour soutenir cette avancée, un pilier central et deux piliers latéraux, ornés de cornes de buffles (sacrifiés lors des cérémonies funéraires). Les toits me rappellent ceux des maisons Batak au Lac Toba (Sumatra), à la différence qu’ils sont plus proéminents.
Les villages sont à peu près tous organisés de la même façon : une grande place centrale où les maisons sont alignées d’un côté. De l’autre, les mêmes maisons format miniature servent de greniers à riz.
Au bout de quelques minutes, nous sommes accueillis à Buntu Pune par trois enfants qui s’avancent vers nous, sourire aux lèvres, en nous tendant un classeur. On comprend assez vite qu’ils souhaitent nous faire signer le livre d’or du village. Chaque visiteur est invité à écrire un petit mot sur sa venue, et ses impressions sur le village. Nous signons l’un après l’autre, les enfants nous regardent avec une certaine admiration. L’échange n’est pas très prolifique, car nous ne parlons pas la même langue, mais la communication se fait beaucoup par le sourire, et les regards. Ici, les enfants accueillent simplement les touristes, et n’ont pas encore appris à demander de l’argent en échange d’une photo. Il y a une espèce de simplicité et de sérénité dans ces rencontres.
Un peu plus loin, nous visitons le village de Kete Kesu et ses fameuses falaises funéraires. Au Pays Toraja, on n’enterre pas les morts. Après une cérémonie funéraire qui peut durer plusieurs jours (voir l’article « Les rites funéraires de Tana Toraja« ), le cercueil est déposé à flanc de falaise, dans une corniche taillée dans la roche ou sur une plateforme en bois.
Les Torajas placent souvent des statues à l’effigie des morts (appelées « Tau-Tau ») sur les falaises, chargées de veiller sur les vivants. Après un certain temps, les cercueils tombent et viennent se fracasser au pied de la falaise. En se baladant sur les sentiers, on aperçoit donc régulièrement des ossements.
Tana Toraja : au cœur des rizières en terrasse
Le deuxième jour, nous partons au nord de Rantepao pour une sortie plus nature. A la gare routière où nous cherchons un bemo, des jeunes nous proposent de nous emmener sur leurs deux roues. Pourquoi pas, ça nous évitera d’attendre ici des heures. Sur les petites routes de montagne, mon chauffeur fait le kakou. Tandis que son copain semble conduire prudemment avec Jean-François, lui essaie de m’impressionner. Il roule vite, coupe les virages, je me dis que bientôt, il va me faire une roue arrière ! On arrive quand même sains et saufs à destination.
Là, à Tinombayo, le panorama est exceptionnel. Je n’avais jamais vu de rizières en terrasse aussi étendues. La lumière n’est pas exceptionnelle, mais on sent quand même que tout ce vert tendrait vers le fluo s’il y avait un peu plus de soleil. C’est purement magnifique, cette impression de grandeur et de sérénité.
Nos chauffeurs nous déposent un peu plus haut au village de Lempo, où nous décidons de continuer à pied. Nous traversons plusieurs villages (Batutumonga, Lokomata, Pana, Tikala), marchons le long des petites routes de montagne bordant les rizières. Il n’y a que nous, quelques chiens, des poules, parfois des enfants. Tout comme dans les villages près de Bira, les gamins réagissent à notre passage. Tantôt curieux, tantôt timides, ils sont toujours intrigués par notre passage, et nous accostent constamment en criant « gula-gula »… On finit par comprendre qu’ils nous demandent des bonbons !
Il y a des rizières partout : devant, derrière, sous nos pieds, c’est impressionnant. Au loin on aperçoit Rantepao, encaissée au fond de la vallée. Nous passons la journée là, au cœur de cette nature riche et luxuriante : ça ressource !
Sacrées soirées à Rantepao
Presque tous les soirs nous dînons au Mart’s Café avec le groupe d’Allemands et Jean-Pierre. La cuisine y est plutôt bonne, et l’ambiance fort sympathique. Le premier soir, nous y rencontrons le Monsieur Propre indonésien : Adchuk, joueur de guitare, chanteur, et guide touristique. On sympathise tout de suite avec lui.
Chaque soir, nous chantons à tue-tête des tubes anglo-saxons de toutes les époques. Mais pas seulement : comme beaucoup d’Indonésiens, Adchuk sait chanter « Aline » de Christophe. Et dès qu’il sait qu’on est français, il se lance ! Pour les paroles, c’est parfois du yaourt ; on voit bien qu’il ne comprend pas ce qu’il chante, mais c’est très juste et ça nous fait bien rigoler !
Notons aussi la découverte du plat traditionnel Toraja, le « Papiong » : un met à base de légumes et poulet, porc ou poisson, cuit dans un tronc de bambou frais pendant plusieurs heures (il faut donc commander à l’avance). C’est bon, mais un peu copieux, et celui qu’on nous a servi est un peu sec.
Les soirées sont bien arrosées à la Bintang, les kreteks balancent leur odeur de clou de girofle dans l’atmosphère, on rit à gorge déployée, on se casse les cordes vocales sur nos tubes préférés, on fait des concours du mot le plus long dans nos langues respectives. Nous formons, avec nos Allemands préférés et Adchuk, un groupe de très joyeux lurons, ravis d’être là, de partager, de rire et de danser.
⊕ Infos pratiques
» Bus Makassar -> Rantepao
Trajet : 9h30
Prix : 150 000 Rp / personne (compagnie Litha)
» Pia’s Poppies Hotel
Chambre double (ventilateur) avec salle de bain : 99 000 Rp sans petit déjeuner
» Guide
Adchuk : adchukd@gmail.com