Les rites funéraires de Tana Toraja
Récit
Un peu d’histoire
Avant le XXème siècle, les Torajas pratiquaient l’animisme. Avec l’arrivée des colons néerlandais, ils ont été contraints de se convertir au christianisme. Mais les traditions et les rites ancestraux subsistent, notamment pour tout ce qui touche la mort.
Les rites funéraires sont des moments forts dans la vie d’un village. La préparation peut durer de quelques semaines à quelques années, le temps que la famille rassemble l’argent nécessaire (notamment pour acheter les animaux à sacrifier). Pendant ce temps, le défunt « attend », embaumé, dans une pièce de la maison : on lui apporte régulièrement vivres et cigarettes. Les Torajas le considèrent comme un être vivant et malade, tant que les funérailles n’ont pas eu lieu. La cérémonie peut durer plusieurs jours et rassemble des dizaines voire des centaines de personnes : famille, amis, connaissances.
Les touristes sont également les bienvenus lors de ces cérémonies. Les Torajas considèrent qu’ils viennent, au même titre que les invités, rendre hommage aux défunts.
Nous voilà donc partis avec Jean-Pierre, les Allemands et notre guide, pour une journée « funérailles ». De Rantepao, nous prenons le bemo au « Bolu Terminal » qui nous mène dans le village qui fête ses morts aujourd’hui. Car en effet, il y a deux défuntes : une mère et sa fille, toutes deux déjà âgées.
Le sacrifice des buffles
A la gare routière puis en arrivant sur les lieux, nous croisons de nombreux buffles. Ce sont eux qui vont être sacrifiés en l’honneur des défuntes. Chez les Torajas, le buffle n’est pas une bête de somme. On peut le croiser dans les rizières mais il n’y travaille pas. C’est un animal sacré, et c’est « sur son dos » que les âmes des défunts franchissent la porte de l’au-delà. Plus les buffles sacrifiés sont nombreux, plus haut l’âme du défunt s’élèvera. Le must, les buffles albinos : ils sont rares, coûtent plus cher et leur sacrifice permet à l’âme du défunt de s’élever encore plus haut, tout en apportant plus de chance à la famille.
Lorsque nous arrivons dans ce que j’appelle l’arène (lieu de la cérémonie, devant la maison de la famille concernée), trois buffles ont déjà été sacrifiés. « Pas plus mal » me dis-je, ça nous évitera d’assister à la boucherie ! Erreur : la boucherie, c’est maintenant qu’elle commence !
Après avoir été égorgés devant les invités, les buffles se voient enlever la peau puis sont entièrement dépecés et étripés dans l’arène. Le lendemain, chaque famille invitée en recevra un morceau pour le repas. Les cornes, quant à elles, seront conservées et fixées aux piliers de la maison familiale.
Nous nous installons un peu en retrait pour regarder le spectacle, tantôt intrigués, tantôt écœurés. Personnellement, si je fais abstraction de l’odeur, et des cris des cochons qui attendent leur tour, je trouve que ce n’est pas si horrible que ça. C’est vrai, il y a beaucoup de sang, et il faut avoir le cœur bien accroché. Mais l’esprit dans lequel est opérée la tradition se respecte. Les buffles ne sont pas maltraités. Bien au contraire si l’on pense à la condition des bêtes dans nos abattoirs. Et le fait que tout cela fasse partie d’un rite rend peut-être les choses plus fascinantes.
L’hommage des invités aux défuntes
Pendant que nos bouchers s’affairent à leur tâche, le défilé des invités commence. Les cercueils des défuntes se trouvent devant la maison familiale, à l’étage d’une petite structure en bois provisoire.
Au rez-de-chaussée, un maître de cérémonie commente au micro tout au long de la journée la procession des familles venues de telle ou telle partie de l’Indonésie, en détaillant ce qu’elles ont apporté en cadeau aux défuntes (buffles, cochons, ou autres). Chaque groupe d’invités va ensuite s’asseoir un moment sous le chapiteau principal, accueilli par une haie d’enfants en costume traditionnel, pour discuter avec la famille. Puis ils laissent la place aux autres invités.
Une ambiance loin d’être sinistre
Les funérailles ne sont pas un moment particulièrement triste. Le fils / petit-fils des défuntes avait bien les yeux brillants lorsqu’il nous a accueillis, mais l’ambiance n’est pas morose. Les gens sourient, il y a de la musique, des danses, c’est plutôt festif.
On nous a proposé de nous installer sur des espèces de paillotes en bambou, fabriquées pour les invités. Ils mangent et dorment ici, jusqu’à la fin de la cérémonie, au rythme des différentes processions.
On nous a offert le thé, des biscuits, des cigarettes, et l’un des fils / petit-fils des défuntes est venu s’asseoir avec nous un moment, pour parler. On en a profité pour lui remettre notre cadeau, car on ne vient pas les mains vides ici : deux cartouches de cigarettes (c’est très apprécié en Indonésie) qu’on avait achetées sur les conseils de notre guide.
Difficile d’imaginer une telle chose en France. Nous sommes de parfaits inconnus, des étrangers, et plusieurs membres de la famille ont pris le temps de discuter avec nous, dans le plus grand des respects. Je trouve ça impressionnant.
Nous avons également pu déguster une boisson locale : le « Tuak » (alcool de palme) servi dans des troncs en bambou. Pas mauvais mais pas évident à boire sans s’en mettre partout !
Le sacrifice des cochons
Il a lieu à l’extérieur de l’arène. Lars, Jean-François et moi nous échappons un moment pour aller voir comment ça se passe. Les cochons sont tués d’un coup de couteau dans le cœur, leur sang est ensuite récupéré dans un tronc de bambou, puis utilisé pour le repas servi aux invités. Heureusement, on a échappé à ça !
C’est le sort des cochons qui est le plus difficile à vivre je crois. Ils passent des heures à attendent leur triste fin depuis le petit matin, couchés dans ou hors de l’arène, ligotés et coincés entre deux troncs de bambou, qui servent à leur transport. Ils savent ce qui va leur arriver, et passent la journée à hurler de stress. L’ambiance sonore est donc particulièrement éprouvante. Pauvres bêtes !
Bonjour,
Je suis en train de lire avec intérêt votre carnet de voyages… Nous partons, ma femme et moi, pour deux mois ( 10 décembre / 10 février ) à Sulawesi via Bali. L’idée est de traverser peu à peu l’île du sud au nord pour finir par un séjour aux îles Tobian.
Une première question pour l’instant : est-ce simple et possible de faire le voyage en bateau Denpasar / Macassar ?…
Bonjour !
Je viens de tomber sur votre très beau blog ! Nous sommes mon copain et moi en train de voyager en Indonésie depuis 1 mois déjà, et nous venons d’arriver sur l’ile de Sulawesi. Nous aimerions faire un tour dans le pays Toraja et assister si l’occasion se présente à une cérémonie funéraire. Vous avez l’air d’avoir apprécié votre expérience. Avez-vous un guide à nous recommander, et un budget approximatif ?
Merci beaucoup pour votre temps !
Justine
Bonjour Justine,
Merci de ta visite sur le blog.
En effet je garde un très bon souvenir de cette expérience (même s’il faut avoir l’estomac bien accroché !).
Malheureusement je ne me souviens pas du nom de mon guide, ni du budget. On avait partagé les frais avec un groupe d’Allemands, et je crois me souvenir que ce n’était pas excessif. Je te conseille donc de trouver d’autres personnes sur place, histoire de diviser la note. Cela dit ça fait déjà 5 ans, et je ne sais pas comment les prix ont évolué depuis.
Ce qui est sûr, c’est que tu trouveras des guides partout. J’ai fait plusieurs voyages à Sulawesi depuis celui-là, et j’ai souvent rencontré des gens qui avaient trouvé un guide sans problème : c’est une des activités les plus pratiquées au pays Toraja !
Je te souhaite un très beau voyage à Sulawesi.
A bientôt 🙂
Bonjour, je suis passionné par l’Indonésie et je dois faire un exposé sur « Les rites funéraires », tout naturellement l’Indonésie m’est venue en tête. Seul problème, je ne trouve pas beaucoup d’informations. Je suis tombée sur votre site dernièrement et cela m’aide beaucoup mais pourquoi n’y a t-il pas de suite à ce rite ? La cérémonie s’arrête après l’abattement des cochons ou il y a une suite ? Parce que je ne la vois pas :/.
J’espère avoir une réponse avant jeudi car je passe à l’oral ce même jour. En tout les cas merci d’avance !
Bonjour Morana,
Désolée de ma réponse un peu tardive, je suis actuellement en voyage et n’ai donc pas accès à internet très souvent. J’espère néanmoins qu’il n’est pas trop tard pour ton exposé.
Il y a une suite à ce rite, c’est juste que je n’ai pas assisté à la suite, donc je n’ai rien écrit à ce sujet. Mais j’ai quand même mis quelques infos dans l’article précédent : http://www.laboiteavoyage.fr/2008/10/01/magnifique-tana-toraja/
(lis le bas de la partie « A la découverte des villages animistes : Buntu Pune et Kete Kesu »)
Après la cérémonie, les morts ne sont pas enterrés. Leurs cercueils peuvent être déposés dans une grotte, dans une tombe en pierre sculptée ou alors accrochés à flanc de falaise. Les familles les plus riches font placer des statues en bois à l’effigie des morts à proximité des cercueils. Ces statues sont appelées « Tau-Tau ».
En faisant une recherche dans Google, tu devrais pouvoir trouver des photos. En voici une à cette adresse :
http://peepindonesia.com/wp/wp-content/gallery/toraja/tana-toraja-04-stone-grave.jpg
J’ai trouvé aussi un article d’un autre blog, qui m’a l’ai intéressant :
http://mavieenmieux.wordpress.com/2012/04/22/comment-jai-cotoye-la-mort-au-pays-toraja/
J’espère que ces compléments d’information pourront t’aider et que tu auras le temps de compléter ton exposé d’ici demain.
Bon courage 🙂